L’édition 2022 de Batimat mettra en valeur des solutions bas carbone dans un espace « low carbon » dédié. Dans ce cadre, il sera réservé une place particulière aux matériaux biosourcés et géosourcés. Ces derniers sont en effet une réponse intéressante au regard des nouvelles ambitions environnementales portées par la RE2020. Représentant aujourd’hui 7 à 10% du marché si l’on s’intéresse aux isolants, cette part doit rapidement passer au-delà des 20% pour offrir un mixte multi-matériaux compatible avec les objectifs minimum de la trajectoire nationale bas carbone.
Biosourcés, géosourcés, de quoi parle-t-on ?
Les matériaux biosourcés sont issus totalement ou partiellement de la biomasse. Si un label a été mis en place à l’échelle d’un bâtiment avec un taux minimum de biomasse à atteindre par le Ministère de la Transition Ecologique en 2012, il n’existe en revanche pas de définition équivalente pour les matériaux eux-mêmes. Souvent accolé à biosourcé, le terme géosourcé renvoie lui à une notion de proximité géographique. Reste que si les biosourcés comme la laine de bois, les coproduits du chanvre ou la paille sont reconnus pour leur impact carbone réduit, il n’en va pas de même pour l’ensemble des géosourcés. Le matériau actuellement le plus proche de chaque lieu de construction et disponible en circuit de distribution généralement ultra-court est en effet le béton ! Au-delà de cette précision, on comptera parmi les géosourcés bas carbone des solutions issues souvent du minéral ou du recyclage telles que la terre crue ou la ouate de cellulose pour les plus connues. L’un des défis des biosourcés est également d’être géosourcés ! A l’heure actuelle, chaque territoire représente un gisement potentiel, notamment agricole, mais qui n’est pas forcément exploité. En témoigne la situation de la Région Centre-Val de Loire, très en pointe dans l’utilisation, mais qui a pris un certain retard dans la mise sur pied des filières de production et de distribution locales.
Qui sont les acteurs de la filière ?
La particularité des matériaux biosourcés et géosourcés est qu’ils sont issus de mondes très différents. Les coopératives agricoles côtoient ainsi des acteurs de l’économie sociale et solidaire mais aussi des investissements et rachats de la part d’industriels. La nature même des solutions est extrêmement large et en perpétuelle évolution. L’écosystème des biosourcés est ainsi en réalité un ensemble d’écosystèmes qui se recoupent entre eux et recoupent d’autres types de solutions. Si l’on peut considérer que le secteur des isolants et celui de la paille sont parmi les démarches les plus abouties, il est nécessaire de favoriser la diffusion et l’arrivée sur le marché d’autres produits : briques de chanvre, coproduits de colza ou tournesol, bétons végétaux, etc.
On le voit, définir un type d’acteur est impossible sur ce secteur. La diversité des profils n’empêche néanmoins pas l’émergence de fédérations ou de syndicats professionnels. Outre des organisations à but fédératif comme l’AICB (Association des Industriels de la Construction Biosourcée) ou le CF2B (Collectif des filières biosourcées du bâtiment), le RFCP (Réseau français de la construction paille) et Construire en Chanvre ont édicté de leur côté des règles professionnelles pour la mise en œuvre de leurs matériaux et solutions respectifs. Cette initiative permet aujourd’hui d’intégrer ces solutions dans n’importe quel projet de manière pérenne et sans problématique de surcoût assurantiel.
Que valent les matériaux biosourcés et géosourcés ?
Evaluer la valeur d’une solution est très difficile, tant les critères sont nombreux. Sur le plan du bilan carbone, la plupart des produits sont extrêmement performants et arrivent aujourd’hui dans un contexte très favorable qui est celui de la nouvelle réglementation du bâtiment RE2020.
Sur le plan des performances et de leur pérennité, les matériaux biosourcés et géosourcés obéissent aux mêmes règles que les produits mis sur le marché. Ils peuvent disposer de règles professionnelles de mise en œuvre, d’ATEX, de normes, etc. Il s’agit donc de matériaux offrant les mêmes garanties que des solutions plus « classiques ».
Au-delà de cet aspect, les normes de calculs officielles actuelles ont plutôt tendance à sous-estimer la performance de certaines solutions. Dans leur ensemble, les matériaux biosourcés et géosourcés offrent, par exemple, une gestion optimisée des transferts d’humidité dans le bâtiment. Reste que ces mécanismes, qui relèvent de réactions à l’échelle moléculaires, sont encore mal connus et mal maitrisés. Le cas des bétons végétaux est assez emblématique : s’il existe une littérature scientifique importante sur le sujet, les dernières études du Cerema montrent des résultats exceptionnels qui requièrent de repenser certaines méthodologies pour pouvoir être confirmés et affinés.
Est-il facile de mettre en œuvre ce type de matériaux ?
La réponse est encore une fois multiple. Le développement rapide des isolants biosourcés, notamment en panneaux, vient de leur capacité à se substituer facilement à des solutions existantes, que ce soit en isolation par l’intérieur ou par l’extérieur. Comme les solutions plus « classiques », l’enjeu de performance et de durée dans le temps tiennent davantage du soin de mise en œuvre que du matériau lui-même.
Pour la paille, les bétons végétaux ou les enduits, la mise en œuvre est encadrée par des règles précises et donc à la portée des entreprises désirant ouvrir leurs compétences. En revanche, l’emploi de ces solutions doit être pris en compte dès la phase de conception des bâtiments, là où le changement d’isolant peut être considéré en phase chantier. Construire en paille, ou passer à des murs non porteurs, demande en effet des changements structurels qui doivent être pensés très en amont.
L’enjeu de la mise en œuvre rejoint ainsi celui de la formation, tout autant des artisans, mais aussi du secteur des « prescripteurs ». Les bureaux d’études ou les architectes sont en mesure de proposer des réponses biosourcées à certains cahiers des charges. Les collectivités territoriales de leur côté sont identifiées comme des acteurs clés dans la diffusion des biosourcés et géosourcés. En proposant des clauses de circuit court et de limites carbones dans leurs appels d’offres, elles peuvent modifier les habitudes constructives sur leurs territoires.
Au-delà du débat passionné autour de ce type de matériaux, il est une notion qui fait consensus auprès de l’ensemble des acteurs du bâtiment. L’avenir ne sera pas à la concurrence entre les matériaux, mais à des démarches multimatériaux : « le bon matériau au bon endroit ». Dans ce cadre, les biosourcés et géosourcés possèdent des atouts environnementaux et socio-économiques importants et complémentaires, mais ne se posent pas en concurrents d’autres filières.